La progression programmée par le SHAEF |
«50. Cependant ceci aurait-il eu beaucoup d'effet sur le cours des événements qui ont suivi est une autre question. Une question à laquelle aucune réponse finale n'est possible. Mon propre avis est qu'une série d'attaques bien coordonnée sur « les sites modifiés » pendant les semaines précédant juste la campagne de «DIVER» aurait ralenti de peu la fabrication des sites mais rien n'aurait empêché les Allemands d'utiliser tôt ou tard leur nouvelle arme. Même si je croyais que la menace « des sites modifiés «était sous-estimée impliquait nécessairement que je pense que l'omission pour attaquer les emplacements était erronée à la lumière des connaissances disponibles alors. Même si leur danger avait été entièrement réalisé, il y aurait toujours eu des arguments forts contre leur bombardement. Et tandis qu'il est facile d'être sage après l'événement, lorsqu'il n'y avait aucun moyen de savoir si le danger était imminent. Au contraire, quelque 36 heures avant que le premier avion sans pilote ait été lancé, un tel renseignement valable suggérait que « les sites modifiés » n'étaient pas susceptibles d'être employés avant plusieurs semaines.(*)
«51. Le fait demeure est que pendant la première moitié de juin, les Allemands pouvaient continuer leurs préparations pour nous bombarder avec les avions sans pilote, sans crainte d'être molestés par nos bombardiers.
«52. À ce moment, une des missions de mon commandement était d'empêcher les avions de reconnaissance allemands d'approcher les secteurs où nos forces se concentraient. En cela, nous avons réussi même au delà de nos espérances. En grande partie sur ce point, les débarquements en Normandie dès l'aube du 6 juin ont réalisé la surprise tactique complète. Même les jours suivants, alors que les Allemands avaient eu le temps d'apprécier ce que nous faisions, l'opposition aérienne était loin d'être énergique. Assez naturellement, le commandement des forces aériennes et son état-major étaient radieux, et avaient peu de temps à consacrer aux avions sans pilote.»
(*)«Le 11 juin, cependant, le ministère de l'air avait reçu un rapport qui annonçait qu'un train chargé de missiles était passé à l'ouest par la Belgique deux jours plus tôt. Le même jour, une reconnaissance photographique indiquait une activité peu commune sur six « des emplacements modifiés ». Cette information n'a atteint mon quartier général qu'après que l'offensive allemande ait commencé; mais peu ou rien n'aurait été gagné si je l'avais reçu plus tôt, parce que le plan de défense étaient prêt depuis mars, et je ne pouvais pas en commander le déploiement sur la simple base de ces deux rapports.»
«Les Autorités d'occupation ont prélevé, pour les besoins de la Reichsbahn, sur le parc de locomotives à vapeur de la SNCF 2.875 unités, dont une majorité de machines modernes à marchandises. De ce fait, le nombre de locomotives réellement disponibles en zone occupée tombe au-dessous de 6.000. Il en résulte des difficultés de traction, qui seraient considérablement aggravées si les transports militaires allemands devaient retrouver leur activités du printemps 1941 alors qu'ils absorbaient 1.500 machines.A quoi s'ajoutent les prélèvements en hommes et techniciens au titre du plan «Sauckel» toujours compte non tenu des techniciens et ouvriers qualifiés et leur encadrement en Alsace-Lorraine intégrés d'office dans le Reichbahn.(6)
«D'autre part, sur un total de 420.000 wagons à marchandises, non compris le matériel affecté à l'ancien réseau d'Alsace et de Lorraine, il a été prélevé en août 1940 un total de 85.000 wagons; mais en fait, la SNCF est privée d'un nombre de wagons bien supérieur que l'on peut actuellement estimer à 160.000. Le chemin de fer éprouve donc les plus grandes difficultés à assurer les transports essentiels de l'économie française.
«Enfin les prélèvements de matériels de voyageurs sont tellement importants que la SNCF ne peut plus assurer avec des voitures à boggies les trains rapides et express dont, pourtant, le nombre a été réduit de plus de 70% par rapport à 1938.
L'ordre de bataille de la 15ème Armée allemande |
Le bombardement du triage de Busigny (Nord)le 02/05/44 |
Le plan de bombardement du réseau ferré français |
information tirée de "CROSS-CHANNEL ATTACK", par Gordon A. Harrison |
«Le 14 avril, le Général Eisenhower a pris la direction des Armées de l'Air stratégiques en support d’ OVERLORD et trois jours plus tard a publié sa directive pour le bombardement des transports. La mission globale de la destruction du système économique militaire et allemand restait sans changement. La mission particulière des Armées de l'Air stratégiques était d’abord d’épuiser l'Armée de l'Air allemande et de détruire les équipements en service, et en second lieu, «de détruire et perturber les communications ferrées de l'ennemi, en particulier celles affectant les mouvements de l'ennemi vers le secteur d’installation d’«OVERLORD»On constatera à la lecture du tableau récapitulant les bombardements des centres ferroviaires belges et français ordonnés conjointement par Dwight D. Eisenhower et les Air Marshalls Portal et Tedder, que des efforts ont été faits pour limiter les effets désastreux des bombardements répétitifs. Il ne faut pas oublier que les Allemands avaient déployé des canons et affûts de mitrailleuses antiaériennes dans les secteurs sensibles, aussi bien, par exemple, à Tergnier qu'à Longueau.
«Les cibles à l’Est de la France et en Belgique étaient assignées à la huitième Armée de l'Air US; le bomber Command (R.A.F.) devait frapper l’Ouest de la France et le secteur autour de Paris tandis que l'AEAF concentrait ses efforts sur le Nord de la France et la Belgique. Bien que des cibles allemandes n'aient pas été incluses dans le plan approuvé en avril, la huitième Armée de l'Air avant que le jour J avait largué environ 5.000 tonnes sur les centres ferrés au centre du Reich et le long des frontières franco-allemandes.
«Eisenhower a également donné personnellement à Spaatz la permission de tenter une série d'attaques lourdes sur l'industrie pétrolière allemande ; celles-ci ont été lancées en mars et se sont poursuivi en même temps que le bombardement du réseau ferré. Les attaques contre des cibles de carburants ont commencé à prendre les proportions d'une offensive globale à partir de la mi mai, et le 8 juin, le Général Spaatz annonçait la destruction des ressources pétrolières allemandes en tant que cible stratégique primaire de l'Armée de l'Air stratégique des USA.» (10)
mois |
sabotages |
avaries |
---|---|---|
janvier | 169 | 322 |
février | 148 | 198 |
mars | 169 | 223 |
avril | 130 | 174 |
mai | 97 | 118 |
juin | 117 | 327 |
juillet | 253 | 301 |
août | 118 | 195 |
Total | 921 | 1858 |
Renseignement extraits du dossier 72AJ/506 «Sherrington» aux archives nationales. |
«Après avoir constaté une diminution alarmante de l'activité ferroviaire, que le Gouvernement venait de prévoir, des sanctions contre tout fonctionnaire ou agent d'un service public qui faillirait «à son devoir envers la Nation» et, pour que chacun comprenne bien de quelle «action il s'agissait, le ministre du Gouvernement de Vichy ajoutait:Assez surprenant! On trouve dans le dossier 72AJ/506 «Sherrington», un bilan assez détaillé des sabotages répertoriés dans un rapport dressé le 6 août 1944 par le commandement militaire allemand (Rapport dressé par le QG du général Stülpnagel) qui figure dans le tableau ci-dessus.
«Les autorités d'occupation viennent d'ailleurs de m'informer sans ambiguïté que si, dans un délai de quelques jours, une sensible amélioration ne se manifestait pas, elles prendraient des sanctions contre tous les responsables.»
«Les attaques (aériennes) violentes et systématiquement répétées, observe-t-elle, contre les gares de triage du Nord-Ouest de la France ont causé de grosses pertes en hommes et en matériel. Il se fait une véritable hécatombe de locomotives: 334 dans le Nord Ouest, 50 à Amiens et au Petit-Thérain, 59 au Mans, 83 à Hirson, 35 à Trappes, etc.Côté transports ferrés, la crise créée par les bombardements des installations de chemin de fer est qualifiée «d'exceptionnelle.» à cause, «de la destruction, poursuit le rapport de synthèse, de huit importantes stations de triage et de plusieurs centaines de locomotives. 900 trains sont atteints. Le 7 mars, on a été obligé d'arrêter la circulation de toutes les marchandises pour 14 jours...»
«1.000 wagons ont été détruits à Chelles, presqu'autant à Amiens et au Petit-Thérain.»
«On a fait venir d'Allemagne 200 locomotives à réparer, qui resteront en France après révision.... Le trafic des marchandises est interrompu jusqu'au 10 avril (21 mars d'après le QG Stülpnagel)... La circulation Paris-Châlons-sur-Marne a été complètement interrompue pour cinq ou six jours. Des envois du Reich ont dû être arrêtés...
«La ligne Saint-Etienne-Le Puy a été coupée pour deux jours... La circulation a été coupée à Saint-Quentin sur la ligne Paris-Liège.... circulation interrompue à Trappes... La gare du Mans hors service pour plusieurs semaines... La circulation a été interrompue de Hirson à Busigny, Laon, Aulnoye et Liart à deux reprises pendant le mois... La circulation Marseille Vintimille est interrompue...»
réseaux |
attente d'acceptations |
attente de traction |
---|---|---|
EST | 200 | 34 |
NORD | 81 | 119 |
OUEST | 105 | 76 |
SUD-OUEST | 144 | 27 |
SUD-EST | 148 | 23 |
TOTAL | 698 | 279 |
Renseignement extraits du tome 1 du livre de Pierre Nord, "Mes camarades sont morts".(p. 266) |
«Les premières attaques sur le système des communications français furent entreprises à la suite d'une décision extrêmement pénible dont j'endossai la pleine responsabilité. Je n'ignorais pas que les attaques contre les principales gares et les centres ferroviaires par les forces aériennes stratégiques et tactiques se payaient lourdement en vies françaises. D'autre part, une très grande partie de l'économie française serait inutilisable pendant une longue période.Du côté du Pentagone, on a observé qu'avec les 500 à 600 locomotives détruites dans le secteur d'OB West au mois de mars 1944, les attaques aériennes alliées avaient doublé le bilan des destructions de février 1944. Or, en avril 1944, le nombre des attaques rapportées est passé de 93 à 243 alors que dans le même temps les sabotages se poursuivaient.
«A diverses reprises le Premier ministre Churchill et le général Kœnig me demandèrent de reconsidérer ma décision de bombarder ces objectifs spéciaux. Le général Kœnig me demanda un jour l'autorisation de faire partie d'un Comité chargé d'examiner le degré d'urgence du bombardement des centres habités. Sur la question de la perte des vies françaises, cependant, il adopta une attitude digne d'un soldat en déclarant:«C'est la guerre.»
«Je n'ignorais pas toutes les conséquences qu'entraînait mas décision, jusqu'à l'éventualité désolante de nous aliéner nos alliés français. Cependant, pour des motifs strictement militaires, j'estimais qu'il fallait briser le réseau des communications en France. Le destin d'un continent entier reposait sur l'aptitude de nos troupes à s'emparer d'un point d'appui et à le conserver contre tout ce que nous nous attendions à voir l'ennemi lancer contre nous...»
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